Ah, le ciel est noir et je sens des gouttes... Je suis sur une monotrace en plein milieu d'une forêt dense, parsemée de rocaille et de racines qui vont bientôt devenir très glissantes et je souris. Le voyage va encore changer de visage et j'aime ça.

Pour l'instant le feuillage me protège encore bien de la pluie et j'en profite pour mettre en action mon plan d'urgence. Je fourre toutes les affaires du panier dans un sac étanche que je gardais en surface d'une sacoche latérale pour un accès rapide. Et la veste de pluie... restera au sec puisque j'aime la sensation rafraîchissante que me procurent les quelques gouttes d'eau qui parviennent à mon épiderme.

Quelques minutes plus tard, malgré le vacarme qui règne au dessus de ma tête, le bouclier végétal qui me surplombe rempli toujours bien son office et me protège des intempéries avec bienveillance. J'ai toujours perçu les forêts comme une sorte de refuge aussi bien physique que spirituel. Je m'y sens inexplicablement bien, et lorsque je vois la végétation s'éclaircir et les troncs d'arbres devenir de plus en plus éparses faisant apparaître un paysage fait de formes cubiques, grises et pointues, l'euphorie s'efface pour faire place à l'indifférence, voir à l'angoisse.

Le village dans lequel j'arrive est une bourgade où tout est sale, délabré et triste. Tout semble y être l'œuvre de gens mal inspirés, voir malsains. Le temps maussade qui habituellement sublime la nature à mes yeux fait ici l'effet inverse. Et les premiers français que je croise n'en ont pas l'air. Ce sont d'authentiques racailles qui se pavanent dans leur médiocrité avec un air pourtant fier et défiant. Ils arborent dans leur dégaine tous les accessoires typiques qui caractérise la petite frappe de campagne. Je leur lance malgré tout un sourire. Mais je suis ignoré, ils n'avaient le regard rivé que sur mon vélo qu'ils semblaient considérer avec mépris.

Je décide alors de donner un petit coup de fouet à ma chaîne pour m'arracher de là rapidement et retrouver des contrées plus inspirantes. Malheureusement, à part un petit bout de piste cyclable le long de la rivière, je resterai sur l'asphalte en compagnie des voitures et de la pluie jusqu'à la fin de la journée.

Et puis soudain, j’aperçois un beau chat noir, fièrement en poste devant sa demeure et portant un nœud papillon assorti à son pelage. Je souris à nouveau en attaquant la dernière montée de la journée.

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